Les Addictions

« Je me souviens nettement que je fus soudain, sans aucune incitation de l’amour-propre, possédé par la soif du risque. Peut-être qu’après avoir passé par un si grand nombre de sensations l’âme ne peut s’en rassasier mais seulement s’en irriter et exige des sensations nouvelles, de plus en plus violentes, jusqu’à l’épuisement total . »

Fiodor Dostoïevski, Le joueur.

Addictologie et Addictions

Le problème des addictions est un vrai enjeu de santé publique parce qu’elles sont responsables de nombreux accidents, maladies et morts prématurées chaque année : accidents de la route, cancers, broncho-pneumopathies, insuffisances coronariennes, hépatites, cirrhoses…

Les addictions concernent également tout le monde car elles renvoient à des dimensions propres de l’être humain et qui n’ont rien à voir avec la pathologie comme la recherche de bien-être, de plaisir ou de contact social.

Pour prendre l’exemple de l’alcool qui est la substance la plus commune et acceptée, sa consommation même modérée représente un risque. Elle peut être épisodique et se produire uniquement dans des circonstances festives. Elle est souvent vécue positivement par l’individu et par le groupe. Pour la plupart des individus, il n’y aura pas de conséquences négatives significatives. Qu’est-ce qui va faire alors que certaines personnes vont « basculer » et adopter des comportements ou consommations qui vont mettre leur santé physique, psychique ou sociale en danger et pas d’autres?

Les termes d’ « addiction » et d’ « addictologie » sont relativement récents comme concepts et discipline médicale. Ils se sont répandus en France – sous l’influence des pionniers français comme le Professeur Michel Reynaud – dans les dernières années du siècle dernier pour répondre à un besoin de ressembler diverses disciplines médicales qui s’intéressaient à ces « conduites ou consommations pathologiques ». Les avancées en neurobiologie montraient que les mécanismes de régulation intime du cerveau étaient similaires pour toutes les addictions.

Le circuit de récompense

Les comportements addictifs stimulent des zones dans le cerveau que les psychiatres appellent le « circuit de récompense ». L’une des hypothèses est que l’addiction est basée justement sur un dérèglement du circuit de récompense. Dans ce circuit s’effectue en permanence une neurotransmission grâce à un neurotransmetteur que l’on appelle « la dopamine ». Les comportements addictifs avec ou sans produit vont augmenter de manière dramatique, la transmission dopaminergique. Cela veut dire si une personne consomme de l’alcool (par exemple), elle augmente le sentiment de bien-être véhiculé par la dopamine (entre autres transmetteurs). La sécrétion de la dopamine est augmentée à un facteur 200 (il est encore plus fort après la consommation de cocaïne). La dopamine va par la suite se fixer sur les neurones récepteurs et provoquer un nouveau signal de bien-être. Le signal est ainsi amplifié et le cerveau « apprend » très rapidement à « reconnaître » l’alcool comme un stimulus très positif. Quand le taux de dopamine est augmenté de manière permanente, les neurones récepteurs « se défendent » en diminuant le nombre de récepteurs. Mais dans la mesure où le cerveau s’est déjà habitué aux signaux exagérés, cette baisse du nombre de récepteurs est équivalente à un déficit de récompense. Bref, la personne finit par développer un besoin de plus en plus grand de stimulation positive (c’est-à-dire dans notre exemple de consommation d’alcool) pour compenser la baisse de plus en plus grande de récepteurs. On en arrive à un comportement addictif.

Sous le mot « addiction », on va pouvoir retrouver un ensemble de « conduites » ou de « pratiques » ou de « comportements » addictifs très différents. Il peut s’agir de conduites d’abus de substances psychoactives (c’est-à-dire de substances comme le tabac, l’alcool, les médicaments ou les drogues illicites). L’individu dans ce cas s’expose de par sa consommation à des conséquences somatiques ou sociales, mais ces dernières peuvent rester encore limitées et réversibles.

Cette addiction peut se référer aussi à des problèmes de dépendances liés aux produits avec des conséquences somatiques plus importantes.

L’addiction peut désigner également un comportement sans consommation de substance psychoactive , mais avec des conséquences similaires possibles au niveau somatiques, psychiques, familiales, sociales, professionnelles ou judiciaires : addiction aux jeux d’argents, aux jeux vidéo sur Internet, addictions sexuelles, à l’exercice physique, au travail, etc.

Aussi pour définir l’addiction, il était important de recourir à une définition large qui permette de comprendre et de rendre compte du phénomène dans sa globalité. Il est largement accepté aujourd’hui que l’addiction se caractérise par «l’impossibilité répétée de contrôler un comportement en dépit de ses conséquences négatives (physiques, psychiques, familiales, professionnelles, sociales et autres) ». C’est une définition vaste et qui se centre surtout sur les conséquences négatives d’un comportement pour un individu. L’addiction est un trouble de la conduite qui se traduit par une difficulté à contrôler et réguler son comportement et/ou sa consommation même si l’on est conscient du danger que représente ce dernier ou cette dernière.

Définition des troubles liés à l’usage d’une substance

Tous les consommateurs d’alcool ne deviennent pas buveurs immodérés ou dépendants, ni les joueurs, des joueurs pathologiques. Alors où va se situer la ligne entre l’usage et le mésusage ?

Le DSM-5, dernière version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux de la Société Américaine de Psychiatrie (APA) – ouvrage de classification des maladies mentales qui fait référence pour les psychiatres – propose également une classification très large.

D’après cette nouvelle définition, peu importe le produit (ou la conduite), on parlera de trouble addictif dès qu’il y aura une altération du fonctionnement ou une souffrance clinique, observées sur une période de 12 mois.

Il n’y aura pas de distinction tranchée entre abus et dépendance. Ils se situent en quelque sorte dans un continuum. Le trouble sera caractérisé ensuite suivant le nombre de critères qu’il présentera. Il pourra être léger (présence de 2 à 3 critères), modéré (4 à 5 critères) ou sévère (6 ou plus critères).

Le trouble pourra entraîner :

  1. Une incapacité à remplir les obligations majeures (maison, travail, école) liée à l’utilisation répétée de la substance.

  2. L’abandon ou la réduction d’importantes activités sociales, occupationnelles ou loisirs toujours à cause de l’utilisation de la substance.

  3. Des problèmes interpersonnels ou sociaux persistants ou récurrents causés par la substance ou exacerbés par ses effets (avertissement au travail, dispute, bagarre, rupture amoureuse, etc.).

  4. Des situations physiquement dangereuses ( prise de danger comme monter sur un échafaudage ou sur un toit ou prendre le volant sous l’emprise de l’alcool, du cannabis ou autres substances psychoactives).

Autres signes ou critères :

  1. La poursuite de la consommation malgré la connaissance de l’existence d’un problème physique ou psychologique persistant ou récurrent déterminé ou exacerbé par cette substance.

  2. La quantité que l’on consomme et le temps que l’on passe à consommer : La consommation de la substance se fera dans des quantités plus importantes ou pendant une période plus longue que prévue.

  3. Le désir persistant ou effort infructueux pour arrêter, diminuer ou contrôler l’utilisation d’une substance.

  4. Le temps considérable passé à des activités nécessaires pour se procurer , consommer une substance puis récupérer de ses effets.

  5. Les envies impérieuses ou obsédantes de consommer un produit (ou « craving » pour les spécialistes)

Derniers critères qui montrent que les difficultés appartiennent déjà plus à des phénomènes de dépendances non seulement psychiques mais également physiques :

  1. Le phénomène de tolérance qui se manifeste :
    • Par un besoin de quantité de plus en plus grande pour arriver à obtenir l’intoxication ou l’effet désiré.
    • Ou par des effets moindres lorsque justement la quantité n’est pas supérieure.
  2. Le syndrome de sevrage :
    • Différent suivant les substances ou les comportements.
    • La nécessité de consommer cette substance pour éviter ou au moins seulement soulager le syndrome de sevrage.

Dans cette échelle composée de 11 critères, au moins deux critères seront nécessaires pour pouvoir parler d’« addition ».

La prise en charge des addictions

En France, le pilier de la prise en charge des addictions est le médecin généraliste. Le médecin traitant est le spécialiste en médecine le plus proche du patient et celui qui le connaît le mieux. En cas de difficulté, il peut conseiller, soutenir et orienter.

De plus, il existe dans tous les départements des structures médico-sociales, spécialisés, pluridisciplinaires nommés soit CSAPA ( C entres de S oins d’ A ccompagnent et de Prévention des Addictions) ou dans certains endroits Maison des Addictions (exemple d’une Maison des Addictions ).

Les consultations dans ces structures sont gratuites et se font dans le respect de la confidentialité. Elles se dirigent aux consommateurs, mais aussi aux familles et aux proches. Elles offrent de simples informations, un accompagnement, des propositions des soins, de sevrage, ou de substitution en fonction des demandes et des besoins de chacun. On peut y trouver à la fois une aide sociale, éducative et thérapeutique.

La plupart des CSAPA propose aussi des consultations spécifiques pour les jeunes voire très jeunes consommateurs : Consultations Jeunes Consommateurs (CJC).

On trouvera les informations à ce sujet à l’adresse suivante : http://www.drogues-info-service.fr/Tout-savoir-sur-les-drogues/Se-faire-aider/Les-Consultations-jeunes-consommateurs-CJC-une-aide-aux-jeunes-et-a-leur-entourage

La liste des différentes structures se trouve à l’adresse qui suit : http://www.drogues-info-service.fr/Tout-savoir-sur-les-drogues/Se-faire-aider/L-aide-specialisee

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