Les mesures de protection
Lorsqu’on souffre d’une maladie psychique, il se peut qu’à certains moments, il devienne difficile de gérer
les actes pourtant nécessaires du quotidien
. Ces actes sont nombreux. Ils peuvent être ponctuels comme trouver ou quitter un logement, s’engager et signer
un bail, ouvrir un compte, souscrire une
assurance, ou acheter ou vendre un bien quelconque. Ils peuvent être plus réguliers comme gérer ses factures. On
peut avoir besoin également de se faire
aider dans les tâches ménagères et ne pas être en mesure de faire les gestions pour employer un auxiliaire de
vie. Ou avoir besoin de quelqu’un qui va
organiser les rendez-vous pour se faire soigner…
Ces actes sont importants car ils concernent le logement, les revenus et les biens de la personne. Ils
concernent aussi tout simplement son bien-être
et sa santé,
ce qui n’est pas rien.
Quand tout va bien, que l’on est en pleine possession de ses capacités, les décisions sont la plupart du temps
évidentes. Mais quand la maladie s’en mêle,
plus rien ne l’est vraiment. Dans les moments de crises, il n’est pas rare que la personne souffrant d’une
pathologie psychique perçoive la réalité à
travers le filtre de la maladie et que ses décisions soient par conséquent faussées par elle. Pourtant la vie
continue. Et si soudain les loyers et les
factures ne sont plus payés, et les justificatifs plus envoyés aux différents organismes, on peut imaginer les
conséquences si la personne souffrante se
met malgré elle en situation, d’être expulsée de son logement ou de ne plus percevoir certaines aides. Cela ne
peut que la vulnérabiliser et la stresser
plus encore.
Comment éviter alors que la personne et ses biens ne se mettent en danger ? Comment garantir que les bonnes
décisions sont prises ? L’enjeu est là :
protéger la personne, faire valoir ses intérêts et préserver ses biens quand elle n’est plus capable pour
des raisons médicales de le faire elle-même.
À cette fin, on peut avoir recours à des « mesures de protection des personnes majeures vulnérables
». Ces mesures sont définies par la loi du 5 mars 2007 et sont placées sous
l’autorité, et le contrôle régulier du juge des tutelles.
Il existe trois grandes catégories de mesures de protection :
- la sauvegarde de justice
: qui se veut une mesure transitoire et souple, d’une durée maximale de deux ans. Elle
n’affecte que certains actes très particuliers
définis par le juge des tutelles et sert à protéger la personne des conséquences de ses actes dans les périodes
de grande vulnérabilité constatée. Elle
peut être ordonnée par exemple dans l’attente d’une mesure de tutelle ou curatelle.
- la curatelle
: qui se veut une mesure d’assistance plus longue. Le curateur (personne
chargée d’assurer la curatelle) ne va pas se
substituer à la personne souffrante (au moins pour une partie des actes), mais l’aider. Ils
pourront par exemple signer conjointement les
documents.
-
et enfin la tutelle : le tuteur représentera la personne dans
tous les actes de la vie civile et agira pour elle.
On peut également trouver des mesures intermédiaires comme :
- la curatelle aménagée : en fonction des besoins de la personne les actes réalisés
seul et ceux qui nécessitent un curateur seront définis par le juge des tutelles.
- la curatelle renforcée : le curateur perçoit les revenus de la
personne et se charge du règlement des dépenses et il en rend compte
au juge des tutelles.
Les mesures peuvent concerner le logement de la personne protégée :
- il peut s’agir de choisir son lieu de vie, conclure un bail, le résilier, disposer à son aise de son logement
principal et de ses meubles ou souscrire
une assurance par exemple.
Elles peuvent concerner ses revenus :
-
ce sont des actes comme ouvrir un compte, avoir une carte bancaire, percevoir et utiliser des
revenus, payer ses factures, etc…
Mais il peut s’agir aussi d’actes patrimoniaux :
-
comme acheter ou vendre des biens mobiliers ou immobiliers, faire des donations ou en accepter, agir en justice
au sujet de son patrimoine ou contracter un
emprunt.
Quant aux mesures concernant des actes importants de la vie privée :
-
le tuteur ou le curateur peut donner son accord ou son désaccord au mariage ou au divorce et intervenir dans la
rédaction des contrats.
De même, les mandataires judiciaires auront à intervenir dans les actes importants pour la
santé à partir du moment où la personne est
mise sous tutelle ou curatelle renforcée.
Lorsque la loi de protection des personnes majeures vulnérables a été réformée en 2007, on estimait que 700 000
personnes en France étaient concernées par
ces mesures de protection. Le chiffre était énorme (il incluait les personnes en grande difficulté sociale). Il
va continuer à l’être si l’on tient compte
du vieillissement de la population. Et c’est aussi ce qui a amené à vouloir réformer l’ancienne loi de
protection des personnes vulnérables.
La nouvelle loi a exclu les personnes en grande difficulté sociale (d’autres mesures sont prises par ailleurs)
et voulu
se centrer sur sa première vocation : trouver des solutions, et une structure légale pour protéger les
personnes affaiblies par un handicap physique ou
psychique les rendant dépendantes d’autrui.
À l’heure actuelle pour que le juge des tutelles soit saisi et prononce une mesure de protection, il est
nécessaire de fournir un certificat médical circonstancié (expertise médicale plafonnée à 160
euros, à payer par la personne concernée). Ce
dernier ne peut être rédigé que par un médecin assermenté, c’est-à-dire figurant sur la liste
des médecins désignés par le procureur de la
République du tribunal de grande instance. Ce certificat devra montrer que la personne souffre réellement d’une
« altération de ses facultés mentales ou
physique de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».
De même, les demandes seront limitées et restreintes aux personnes n’ayant aucun autre recours
possible.
En effet, il existe d’autres types de contrats d’entre aide entre les personnes. Il se peut par exemple que la
personne ait déjà donnéune procuration à un proche ou tout autre personne de confiance choisie
librement par elle. Ou encore entre conjoints, le contrat de mariage donne pouvoir aux époux
pour agir l’un pour l’autre. Ou même, il est possible qu’il y ait constance de tout autre
type de contrat entre les individus comme le « mandat de protection future ».
Le mandat de protection future est une des grandes nouveautés de la loi de 2007. Il permet à toute
personne malade ou parfaitement saine de décider et d’organiser sa protection future. Pour cela, il
existe deux
possibilités de contrat qui seront pareillement reconnues pour le jour où la personne n’aura plus la possibilité
physique ou mentale de gérer sa vie. Ce
jour-là, la personne qu’elle aura choisi (nommé le « mandataire ») pourra la représenter dans
tous les actes qu’ils auront défini
ensemble. Ce type de mandat peut également être établi par des parents qui ont à leur charge un enfant
gravement handicapé et qui veulent
anticiper l’avenir de leur enfant et la gestion de ses biens quand eux ne seront plus là pour s’en occuper. Les
deux types de procédure sont soit le
contrat sous seing privé (rédigé par les personnes privées, sans intervention d’un officier public), soit rédigé
chez un notaire. Un juge n’intervient à
aucun moment.
On note que dans la loi de 2007, les liens familiaux, et la proximité et la solidarité naturelles qui en
découlent sont mis en avant.
C’est seulement après avoir pris la précaution qu’aucun autre contrat entre les proches et individus, n’existe
que le juge pourra intervenir.
La personne concernée par la mesure de protection sera alors entendue
-dans la mesure du possible- par le juge des tutelles. Les actes nécessitant représentation
(tutelle) ou assistance (curatelle) d’une
tierce personne seront décidés en fonction de cette audition, des vœux et des intérêts de la personne.
Les mesures seront régulièrement révisées par le juge, au plus tard, tous les cinq ans.
Le juge désignera également lors de l’audience la personne qui sera chargée d’assister ou de se substituer à la
personne affaiblie par la maladie et en
position de dépendance. Les membres de la famille seront encore une fois privilégiés pour exercer le
rôle de tuteur ou curateur. Le
tuteur, ou le curateur professionnel n’interviendra que quand aucune autre personne de l’entourage ne voudra ou
ne pourra le faire.
Quant au tuteur ou curateur professionnel désigné par le juge, et nommé maintenant « mandataire
judiciaire à la protection des majeurs »,
son statut, le financement de son activité, ses conditions d’exercice et formation sont maintenant clairement
définis et régulièrement contrôlés par le
juge. Il est rémunéré par la personne protégée.
Ces professionnels exercent en général dans des associations (UNAF, UDAF, UNAPEI,…), des établissements de
santé, et établissements spécialisés. Mais il
existe de plus en plus de mandataires judiciaires libéraux.
La perte de l’autonomie de la personne adulte est bien sûr un problème qui touche de plein fouet les personnes
affaiblies par l’âge ou la maladie ainsi que
leurs proches mais c’est aussi un problème global qui touche toute la société. D’abord parce que nous vivons
tous de plus en plus vieux et jusqu’à des âges
où nous risquons tous d’être confrontés à la dépendance. Et aussi parce que en ce qui concerne les maladies
psychiques, la psychiatrie et la prise en
charge des pathologies mentales ont beaucoup évolué dans les dernières décennies. Et si être atteint d’une
maladie psychique produit des situations de
handicap qui rendent la vie plus difficile, cela n’empêche plus d’avoir une vie intégrée dans la cité comme tous
les autres citoyens du pays. Mais si
chacun gagne en autonomie et cela de plus en plus longtemps, cela ne signifie pas que le problème de la
dépendance disparaisse.
La loi de protection des personnes majeures vulnérables y répond. La loi va donner un cadre qui va garantir pour
tous - mêmes pour les personnes
vulnérables et isolées, sans famille et sans proches très disponibles et à proximité - le respect de leurs
droits, leurs biens et leurs intérêts. Elle
ouvre même cette possibilité pour chacun de rester maître de ses choix le plus longtemps possible en anticipant
la dépendance et en proposant un mandat de
protection future facile à mettre en place.
Pour aller plus loin :
http://www.justice.gouv.fr/publication/fp_proteger_personne_vulnerable.pdf
http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/tutelles-12182/comment-proteger-une-personne-vulnerable-21969.html